Mon voisin, ce végane

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Mon voisin, ce végane

Camille Andres et Nicolas Meyer
22 février 2019
Opinions
Trois points de vue de Réformés sur leur rapport au véganisme. Un article de notre dossier du mois: "Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es."

SANS TABOU - Végan ou Saint-Martin. L’animal est-il mon frère ? C’est le titre du café spirituel organisé l’automne dernier par les paroissiens de Sarah Nicolet, pasteure à Delémont.

Sarah Nicolet

«Parmi nos paroissiens, beaucoup sont agriculteurs, ou proches de ce milieu, ils gardent donc des liens forts au monde rural et aux animaux. Enfin, dans le Jura, la culture de la table, de la convivialité reste forte et passe souvent par le fait de manger de la viande. (…) L’idée n’était pas de se convaincre les uns les autres. Mais plutôt d’exposer des éléments utiles pour la discussion : d’où vient la Saint-Martin (fête perpétuée chaque année le deuxième dimanche après la Toussaint, qui célèbre les travaux des champs et dont la majorité des plats sont à base de cochon, ndlr) ? C’est quoi être végane ? Comment évoluent mes habitudes alimentaires ?

Une vingtaine de personnes, dont trois véganes, nous ont rejoints. D’emblée, toutes trois se sont distanciées des actions radicales. Leur présence s’est révélée extrêmement enrichissante pour notre discussion empreinte de respect. Elles ont expliqué la réalité d’être végane, les difficultés que cela pouvait entraîner, au restaurant, ou pour la prise de médicaments, un aspect auquel nous n’avions pas pensé. Elles sont contraintes de surmonter leurs convictions à chaque traitement médical. Entendre le point de vue de l’autre a permis de sensibiliser les participants à ce thème. Réaliser que le végane peut être mon voisin permet de changer de perspective. Beaucoup ont manifesté leur volonté de réduire leur consommation de viande et de privilégier l’approvisionnement local. Tuer est-il compatible avec la notion de dignité animale ? Que signifie être une créature de Dieu ? A-t-on le droit de vie ou de mort sur d’autres créatures ? Lesquelles ? Nous nous sommes posé ces questions théologiques ensemble. Enfin, les participants ont examiné notre rapport à la société de surconsommation et à la nature. (...) Nous avons fini par la lecture du texte d’Esaïe sur le loup et l’agneau (Esaïe 11,6), qui interroge la place des animaux dans la Création. Quasiment tout le monde est resté ensuite pour discuter encore à bâtons rompus ! »

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JEUNESSE - « Je ne suis pas convaincue par le véganisme ». Maria Isabel Stamnas, 26 ans, en restera au végétalisme.

Maria Isabel Stamnas

«Je me soucie de ce que je mange depuis mon adolescence. La consommation de certains produits laitiers me causait des problèmes de peau. J’ai rapidement opté pour une alimentation en grande partie végétarienne. Comme beaucoup de jeunes filles, je faisais aussi attention à ma silhouette. Mon cheminement m’a ensuite conduite à devenir végétalienne. De manière générale, je suis contre l’exploitation animale et la souffrance qu’elle engendre. Le plus compliqué est lorsque l’on m’invite à manger. Je dois toujours lister ce que je mange et ce que je ne mange pas. Si le végétalisme se rapproche en grande partie de la philosophie végane, je ne suis pas très convaincue par cette mode qui devient extrême. Les règles sont trop contraignantes. Beaucoup de personnes les prennent à la lettre, sans forcément être passées par une vraie prise de conscience.»

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RESPONSABILITÉ - «J’ai toujours le souci de valoriser l’animal». Max Blaser est directeur de la boucherie Au cochon d’or à Payerne, ancien conseiller synodal EERV et syndic de Villarzel (VD).

Max Blaser

«Ce qui me surprend chez certains véganes c’est l’incroyable arrogance qui les conduit à penser que des générations entières ont tout fait faux. Ils n’ont aucune idée de quelle relation aux animaux se tisse par exemple dans une ferme, et combien cet écosystème est complexe. Le véganisme me fait parfois penser à une secte, avec ses nouveaux prophètes, ses intolérances, sa radicalité et sa violence. Sans compter qu’il est paradoxalement récupéré par l’industrie alimentaire… En tant que chrétien, je crois que Christ nous libère; le véganisme, au contraire, érige des dogmes qui enferment l’individu. Comme boucher professionnel, j’ai toujours le souci de valoriser l’animal au complet. C’est important financièrement et puis les sous-produits animaux ont une réelle utilité. Eviter le gaspillage me paraît important et même indispensable. Ma responsabilité face à la Création, c’est de la valoriser le mieux possible.»