Entre Vendredi-Saint et Pâques

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[pas de légende]

Entre Vendredi-Saint et Pâques

Carmelo Catalfamo
8 avril 2023
Juste avant Pâques, éloge de la vie remplie d’incertitudes essentielles. Un billet du pasteur de Bienne Carmelo Catalfamo paru dans le Journal du Jura samedi 8 avril.

Le moment que nous vivons se situe dans un « entre-deux ». C’était Vendredi-Saint hier, ce sera Pâques demain. Tout compte fait, notre existence entière se trouve dans cette zone où tristesse et joie se mêlent ou se succèdent. Voici le bonheur de la naissance d’un enfant. Mais toutes les naissances ne comportent-elles pas leur zone d’ombre ?

Voici la fin de la scolarité obligatoire dont certain·es se réjouissent. L’entrée dans une école ou en apprentissage ne réserve pas que des satisfactions. La vie continue : celles et ceux qui commencent leur vie de couple en buvant dans le même verre entrent rapidement dans une autre phase. Restons optimistes et affirmons que les couples heureux ont des histoires. La vie continue, le moment vient où les enfants, devenus de jeunes adultes, quittent le domicile familial. Le syndrome du « nid vide » n’est pas forcément facile à gérer. La vie continue. Nous voilà intégré dans le monde professionnel, dans une carrière prometteuse. Tout soudain et sans avertissement, une restructuration bancaire met un terme à bien des emplois. La vie continue, ailleurs, autrement. 20% de la population vit au seuil de la pauvreté : pas de cinéma, ni de restaurant, ni de vacances. Le dentiste ? vous n’y pensez pas. Et voici les autres, toutes celles et ceux qui viennent d’ailleurs. La traversée de la Méditerranée leur a donné une idée très précise de la Passion du Christ. Pire, les voici accueilli·es en Suisse à bras fermés. La vie continue : au seuil de la retraite nous alimentons nos rêves éveillés. Mais voilà… une maladie, un accident, un décès tragique peuvent mettre un terme à cette fête espérée.

Décidément, la vie ne ressemble pas à cette étagère de 300 m2 du salon du livre à Genève : là, tout est maîtrisé. Il suffit de méditer, de pratiquer le « zéro déchet » ou de manger sainement. Perdu au milieu de cet océan de bonheur prêt-à-porter, se trouve un petit livre : L’intranquillité. Il est rédigé par Marion Muller-Colard, théologienne. Voici ce qu’elle écrit : « Peut-être que je vous souhaite d’être un peu dérangés. Tout au moins, je vous souhaite le petit inconfort, la pointe d’impatience, le frémissement qu’il faut pour reprendre la route millénaire qui étire la pâte humaine et la révèle à elle-même ». Bref, d’accueillir un peu d’intranquillité pour vivre vraiment dans cet « entre-deux » : Pâques ne supprime pas Vendredi-Saint, il l’éclaire autrement.

A toutes et tous, une bonne fête de Pâques !