Accords de protection des investissements: unilatéraux et obsolètes, selon Alliance sud

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Accords de protection des investissements: unilatéraux et obsolètes, selon Alliance sud

14 mars 2013
Berne
En s'appuyant sur les accords de protection des investissements de la Suisse, une multinationale du tabac a porté plainte contre l'Urugay parce que ce pays a introduit des règles plus strictes visant à limiter la consommation de tabac. Ces 130 accords couvrent unilatéralement les intérêts des investisseurs, dénoncent *Alliance Sud et d'autres ONG proches.

Ces organisations préconisent de revoir le nouvel accord avec la Tunisie, que le Parlement discute lors de la session de printemps en cours: les politiques de l’environnement et de la santé ne doivent plus pouvoir être considérées comme des formes d’expropriation donnant lieu à des dédommagements.

Et les procédures de règlement des différends doivent être réformées. Le système actuel permet aux puissantes multinationales de s’opposer à des mesures légitimes des gouvernements, ainsi que le montre l’exemple de Philip Morris contre l’Uruguay, estime Alliance Sud.

Legs de l'époque coloniale

«Les accords de protection des investissements sont un legs de l’époque coloniale», a expliqué Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud, devant les médias à Berne. «Ils donnent des droits aux investisseurs et des obligations aux pays d’accueil.» Ainsi, si un investisseur peut porter plainte contre un Etat-hôte et exiger des dédommagements, l’inverse n’est pas possible.

Les formulations vagues rendent les droits et les obligations des partenaires de l’accord imprévisibles; elles réduisent la marge de manœuvre des pays d’accueil et induisent, même en cas d’acquittement, des frais de justice élevés. A l’inverse d’autres pays, la Suisse manifeste peu d’empressement à revoir ce type d’accords unilatéraux, a déploré Peter Niggli. Pour preuve, le traité avec la Tunisie – soumis au Parlement – reste calqué sur l’ancien modèle.

Isolda Agazzi, spécialiste des questions de commerce à Alliance Sud, demande principalement trois changements dans l’accord avec la Tunisie. D’abord, les mesures politiques de l’Etat-hôte pour la protection de l’environnement et de la santé doivent être explicitement exclues des «expropriations» donnant droit à des indemnisations.

Ensuite, la clause élastique du «traitement juste et équitable» des investisseurs doit être précisée. Les investisseurs en déduisent un droit à un «cadre régulateur stable et prévisible» et l’invoquent pour demander des dédommagements quand celui-ci change. Enfin, en cas de différend, priorité doit être donnée aux tribunaux locaux et les procédures internationales d’arbitrage doivent être réformées en profondeur (audiences publiques, possibilités de recours, droit de plainte pour les Etats, etc.)

Cas de Philip Morris

Le cas Philip Morris contre l’Uruguay montre bien en quoi les accords de protection des investissements de la Suisse sont problématiques. La multinationale du tabac, sise en Suisse, a porté plainte devant le tribunal arbitral de la Banque mondiale contre le pays latino-américain, parce qu’il a introduit des règles plus strictes – notamment en matière de marketing – visant à limiter la consommation de tabac.

En 2010, Philip Morris a réclamé à l’Uruguay quelque 2 milliards de dollars d’indemnisation. Selon Alberto Villareal, de l’ONG uruguayenne Redes/Friends of the Earth, la multinationale a invoqué pour cela quatre articles de l’accord de protection des investissements avec la Suisse, notamment ceux sur l’«expropriation indirecte» et le «traitement juste et équitable» des investisseurs.

Début février, une première audience – non publique – a eu lieu à Paris sur les questions de compétences. Alberto Villarreal a déclaré que les accords de protection des investissements réduisent la marge de manœuvre de l’Uruguay et d’autres Etats pour assumer leurs obligations et protéger les droits humains, l’environnement et d’autres biens pulics. (comm.)

*Alliance Sud travaille sur ce dossier avec la communauté de travail Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas et Eper pour les questions de politique de développement.