Vols spéciaux : la FEPS se retire à la fin de l'année

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Vols spéciaux : la FEPS se retire à la fin de l'année

7 novembre 2011
La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) n'ira pas plus loin. Après un mandat de six mois, elle abandonne son rôle d'observateur des vols de retour forcés des requérants d'asile déboutés. Le Conseil de la FEPS l'a annoncé lundi matin à Berne devant l'Assemblée des délégués.


Laurent Zumstein, pasteur vaudois responsable cantonale des solidarités, respire. « Nous sommes soulagés d'apprendre que cette expérience va prendre fin», a-t-il déclaré à ProtestInfo. Pour lui, ce n'est pas possible d'être « juge et partie » dans de telles situations.

La décision de la FEPS avait créé des remous chez les réformés. Elle a été ressentie « comme une trahison par beaucoup de chrétiens et de migrants ». L'incompréhension s'est surtout manifestée dans les rangs des aumôniers en lien quotidien avec les requérants, dans les centres d'enregistrement ou dans les lieux d'accueil dans les cantons.

Comme les 25 autres Eglises protestantes du pays, c'est par voie de presse que les Vaudois ont appris que l'Office fédéral des migrations (ODM) confiait le mandat de surveillance des renvois de migrants à la FEPS.

Le Conseil synodal vaudois a donc interpellé la FEPS et l'a interrogée sur les critères de poursuite ou non du monitoring au-delà de décembre. Mais la réponse tombée lundi leur a coupé l'herbe sous les pieds.

Sur la forme, la présidente de l'EERV Esther Gaillard se réjouit que la FEPS ait reconnu son erreur de communication. « Nous avions décidé de laisser l'ODM informer sur le sujet, c'était sans doute une erreur », a expliqué le Fribourgeois Daniel de Roche, membre du Conseil de la FEPS et président de la Conférence des Eglises de Suisse romande (CER).

«Légaux», mais pas «légitimes»

Sur le fond, la FEPS s'est retrouvée devant un dilemme. «En disant oui, nous risquions de perdre une distance critique face à ces pratiques. En disant non, il n'y aurait pas eu d'observateurs pour faire respecter les droits humains dans les vols spéciaux ». Quoiqu'il en soit, ces renvois restent une « zone sombre », qui même s'ils sont « légaux » n'en sont pas pour autant « légitimes ».

Sur le terrain, les aumôniers « vont sans doute pousser un soupir de soulagement », a relevé M. Zumstein. Très critique, l'Aumônerie genevoise auprès des requérants d'asile viendra s'expliquer devant les délégués du Consistoire de l'Eglise protestante genevoise le 24 novembre prochain.

A la FEPS, on estime avoir rempli son mandat. « Nous avons surtout dû jouer un rôle de médiateur entre l'OSAR et les polices cantonales », a précisé Simon Weber, porte-parole de la FEPS. La faîtière s'est aussi impliquée dans le choix des observateurs parmi lesquels l'ancien conseiller d'Etat bernois Mario Annoni ou Martina Caroni, professeure de droit public et international à l'Université de Lucerne.

Des pratiques dignes d'un Etat de droit?

Plusieurs vols de renvoi ont déjà eu lieu depuis leurs reprises en juillet dernier. Ils avaient été interrompus après la mort d'un Nigérian en mars 2010. Les premiers rapports ont été remis aux différentes parties concernées. « Des recommandations ont déjà été faites, a relevé le porte-parole, sans vouloir en dévoiler davantage. Les experts diront par exemple si c'est acceptable que des personnes soient entravées au point de ne pouvoir ni bouger ni parler, si c'est la seule solution et si elle est digne d'un Etat de droit ».

La FEPS espère pouvoir rendre public son bilan au moment de la remise des clés. Au total, une quinzaine de vols auront été accompagnés d'un observateur pendant les six mois qu'aura duré l'expérience de la FEPS.

Que la FEPS y participe ou non, les vols spéciaux continuent. Une pétition a été lancée dans la foulée du documentaire « Vols spéciaux » de Fernand Melgar. Elle réclame l'arrêt de ces vols, mais aussi la fermeture de Frambois et d'autres centres de détention administrative.

Munie d'un millier de signatures, elle a été adressée à la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. Parmi les signataires figurent le théologien et conseiller national Josef Zisyadis de La Gauche, la cinéaste Jacqueline Veuv, l'humoriste Lova Golovtchiner, le chroniqueur Christophe Gallaz ou encore Michel Thévoz, ancien directeur de la Collection de l'Art brut, à Lausanne.


Tania Buri et Samuel Ramuz

Cet article a été publié dans :

Les quotidiens 24 heures, La Tribune de Genève, Le Temps, Le Courrier, La Liberté, 20 Minutes et l'ats le mardi 8 novembre.