Précarité: le pire est à venir

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Précarité: le pire est à venir

Constat
La pandémie a précarisé plusieurs milliers de familles en Suisse romande, observent les centres sociaux protestants, qui tentent d’endiguer la tendance.

«Peu à peu, de nouvelles situations difficiles nous arrivent. Des personnes qui n’osaient pas nous approcher et qui, par le bouche-à-oreille, en viennent à nous. Souvent, elles ont subi des RHT (réductions d’horaire de travail, parfois accompagnées d’une réduction de salaire, NDLR) et lorsque leur partenaire y est également soumis, elles n’arrivent plus à payer certaines factures», explique Thierry Gagnebin, du Centre social protestant Berne-Jura. De Tramelan à Genève, les CSP font le même constat: si les aides exceptionnelles distribuées pendant la pandémie ont pris fin, la précarité, elle, s’est installée. Signe qui ne trompe pas, la distribution des Colis du Cœur, qui contiennent des denrées de première nécessité. «On est passés de 15 000 colis distribués chaque semaine en avril à 7800 aujourd’hui», reconnaît Alain Bolle, du CSP Genève. «Mais avant la pandémie, on était à 3700…»

Peur de solliciter de l'aide

Cette fragilité touche en particulier les travailleurs précaires. Une catégorie vaste: «toutes les personnes qui n’avaient pas droit aux RHT. Soit parce que leurs contrats de travail ne le permettaient pas, soit car elles cumulaient une série de petits jobs ou que leur activité comptait trop peu d’heures, par exemple dans la culture et l’événementiel». Beaucoup n’osent pas recourir à l’aide sociale de peur de voir leur permis de séjour menacé, bien que les autorités aient assuré le contraire. «C’est inscrit dans la mémoire des gens, qui font d’abord fonctionner des solidarités familiales et de communautés, notamment religieuses, pour surmonter un coup dur», constate Alain Bolle. 

Même des personnes bénéficiant de RHT peuvent basculer dans la précarité: «Pour des familles qui se battent déjà pour joindre les deux bouts, ces mesures entraînent des diminutions de revenus qui peuvent conduire à des débuts d’endettement», observe Thierry Gagnebin. 

Éviter la spirale

Grâce à un travail intense et à une grande réactivité durant la pandémie, les CSP ont gagné la confiance de personnes en situation de fragilité financière. Désormais, il s’agit pour les travailleurs sociaux d’assurer un suivi étroit, pour éviter à tout prix de les voir tomber dans une spirale de dettes. Selon les secteurs d’activité concernés, prévenir la catastrophe sociale est une gageure. «On sait qu’il existe toute une série de gens pour qui ce sera compliqué», explique Alain Bolle, en référence aux milliers de personnes sans statut légal à Genève et à Lausanne. «Ils travaillaient majoritairement dans le secteur de l’hôtellerie, de la restauration ou de l’économie domestique, avec des statuts pas forcément reconnus, avec des employeurs qui ne les respectaient pas toujours… Cette population avait l’habitude de vivre avec peu, elle est dans une position difficile qu’elle a toujours assumée. Mais une récente étude* a montré que certains étaient allés jusqu’à se priver de nourriture pendant la crise.» Leur situation, montre cette enquête de l’Université de Genève, s’est clairement dégradée. 

Si ces travailleurs de l’ombre, indispensables au fonctionnement de l’économie, sont moins présents côté jurassien, l’inquiétude reste également de mise là-bas. «Beaucoup d’entreprises ont réduit le temps de travail jusqu’à fin septembre», observe Thierry Gagnebin. «Mais ensuite, début 2021, on s’attend à des licenciements.» 

*www.pin.fo/precarite 

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Genève  IBAN CH41 0900 0000 1200 0761 4 

Neuchâtel  IBAN CH37 0900 0000 2000 4713 9 

Vaud  IBAN CH09 0900 0000 1000 0252 2  Infos www.csp.ch. 

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