Favoriser le lien social pour éviter l’âgisme

Favoriser le lien social pour éviter l’âgisme / © iStock
i
Favoriser le lien social pour éviter l’âgisme
© iStock

Favoriser le lien social pour éviter l’âgisme

LIEN SOCIAL
Trois aumônières livrent leur sentiment sur la discrimination liée à l’âge. Elisabeth Schenker de l’EPG travaille aux hôpitaux universitaires de Genève, Nicole Bonnet de l’EERV (Vaud) accompagne des patients et patientes en soins palliatifs et Karin Phildius de l’EREN (Neuchâtel) est présente en EMS.

Avez-vous vu des manifestations d’âgisme dans votre pratique d’aumônerie? 

Elisabeth Schenker
En tant qu’aumônière, je travaille en psychiatrie, dans des services spécialisés, je dois vous dire que je n’ai jamais vu de manifestation de racisme anti-âge. Je travaille avec des personnes formées et bien encadrées. Elles ont fait le choix et ont le goût de travailler avec des personnes âgées.

Nicole Bonnet
Non. La spécificité des soins palliatifs, c’est d’être attentif à ce que la personne, quel que soit son âge, puisse recevoir les soins dont elle a besoin. Je ne sens donc pas de discrimination. On pourrait penser que certains patients d’âge très avancé puissent susciter un désintérêt des soignants, qui pourraient se dire «ça ne vaut pas la peine». Mais ce n’est pas le cas.

Karin Phildius
En EMS, pas tellement, c’est tout de même le lieu où l’on prend soin de nos aînés. Mais moi, personnellement, qui ai 60 ans, j’ai remarqué une différence d’attitude chez les gens depuis que j’ai des cheveux gris. Je trouve qu’une forme de ségrégation se vit déjà au sein même de la société et c’est cela, l’âgisme. Si je vais dans certains bistrots à la clientèle plutôt jeune, tout le monde se retourne. Mais vous savez, parquer les gens en EMS pour laisser d’autres s’en occuper, c’est en somme déjà de l’âgisme!

 

Comment la Covid-19 a-t-elle le plus prétérité les seniors? 

Elisabeth Schenker
Pour les personnes qui ont des troubles cognitifs avancés, il est très difficile de comprendre pourquoi leurs proches ne peuvent pas venir les voir, car ils l’oublient. On leur dit qu’il y a une pandémie, que l’unité est en quarantaine. Il y a probablement un sentiment d’abandon plus élevé chez ce genre de patients. Leur répéter la situation et ses conséquences est à chaque fois un petit drame émotionnel. Les troubles de la mémoire dont ils souffrent leur font reposer, la minute suivante, la même question.

Nicole Bonnet
L’isolement, en ce moment, est évidemment terrible. Notamment dans les EMS, auxquels personne n’a vraiment accès. A l’hôpital, les gens recevaient des visites, sans discrimination donc. En revanche, j’ai eu l’impression que des seniors qui habitaient chez eux n’osaient même plus sortir. Mes propres beaux-parents ont pu se sentir discriminés par des remarques et des regards, notamment quand ils prenaient le train.

Karin Phildius
Quand on a dit qu’à partir de 65 ans, tout le monde était vulnérable, on était dans l’âgisme, et c’était scandaleux selon moi. On a vu des gens de 100 ans guérir de la Covid-19. Bien sûr que l’on a plus de pathologies en vieillissant, mais l’isolement peut aussi donner envie de se laisser mourir, alors que quelqu’un qui veut combattre la Covid peut parfois en avoir la force.

 

Une mesure à améliorer pour le bien-être des seniors? 

Elisabeth Schenker
 l’heure actuelle, le grand besoin est celui du lien. Toutes les activités de groupe ont été stoppées. Les habitudes du lien social ayant été arrêtées, il faudra le plus vite possible remettre en place des groupes d’activités communes. Ne serait-ce que des goûters, des concerts, des lectures du journal. Que les automatismes sociaux reviennent!

Nicole Bonnet
Favoriser le lien. Dans les soins palliatifs, ce qui tient les gens debout, ce sont les liens qu’ils ont avec leurs proches, et je pense que c’est vraiment ce qui manque le plus dans cette pandémie. Nous avions pris le parti que le lien était essentiel pour des personnes en fin de vie. Par conséquent, beaucoup de travail s’est fait en amont, en essayant d’imaginer des rencontres au-dehors, quand c’était possible, par exemple.

Karin Phildius 
La population aurait pu être plus mobilisée. A Tübingen, en Allemagne, pour éviter cette discrimination, il y a eu une prise en charge des personnes âgées très organisée. On s’occupait des courses, comme chez nous, mais des tests étaient aussi faits régulièrement. Les petits-enfants pouvaient voir leurs grands-parents aussi souvent qu’ils le voulaient. On a ainsi évité la rupture entre les générations. Je pense donc que l’on aurait dû penser à cette ségrégation en premier, au moment de réagir à cette pandémie.