La BNS doit-elle désinvestir des énergies fossiles?

La BNS doit-elle désinvestir des énergies fossiles? / ©Alliance Climatique Suisse
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La BNS doit-elle désinvestir des énergies fossiles?
©Alliance Climatique Suisse

La BNS doit-elle désinvestir des énergies fossiles?

AFFICHES
Au nom de la justice climatique, une coalition d’organisations non gouvernementales lance une campagne contre les membres du Conseil de banque de la Banque nationale suisse. Une stratégie inédite.

Ils sont onze à siéger au Conseil de banque de la BNS. L’Alliance climatique, qui regroupe plusieurs ONG, a décidé de les «afficher» publiquement. «Nous allons mettre des affiches sur les grands écrans électroniques des gares des villes où ils résident. Et interpeller chacun·e pour leur demander: 'Barbara Janom Steiner, faites-vous en sorte que les directives de placement de la BNS renoncent aux énergies fossiles?'», décrit Yvan Maillard, responsable de la justice climatique au sein de Pain pour le prochain, membre de l’Alliance climatique. La coalition n’en est pas à son coup d’essai: elle a régulièrement interpellé la BNS et publié des études dénonçant sa politique d’investissement. Selon la dernière en date, «fin 2019, la BNS détenait 5,9 milliards d’actions d’entreprises actives dans les énergies fossiles. Elle contribue donc au réchauffement climatique!», résume Yvan Maillard. 

La finance sous pression

Le tout, alors que la Suisse a signé les accords de Paris. Et que la pression environnementale s’accroît sur les organismes financiers, qui multiplient les annonces. HSBC, douzième banque mondiale active dans les énergies fossiles, a par exemple annoncé sa neutralité carbone d’ici 2050, et un plan d’action annuel est aujourd’hui exigé par une partie de ses actionnaires, rappelle Le Monde. Fin 2020, la BNS elle-même s’était retirée du charbon. «C’est un premier pas, mais cela ne représente que 0,1 % de ses actifs, selon nos estimations», soupire Yvan Maillard. 

Faire pression sur un régulateur?

L’Alliance climatique a donc décidé de passer à cette pratique inédite du «name and shame», qui interpelle. «Le principe a pour but d’exposer une organisation et d’endommager sa réputation pour la forcer à changer de comportement», explique Estefania Amer Maistriau, maître assistante de recherche au département de stratégie d’HEC Lausanne. Des pressions qui ont déjà porté leurs fruits contre des multinationales. Sauf que la BNS n’est pas une entreprise comme une autre, qui pourrait perdre des consommateur·rice·s insatisfait·e·s, mais bien «un régulateur». Ce qui, pour les militant·e·s, lui confère encore davantage un rôle d’exemple: «La BNS doit être leader, par suiveuse!», estime Yvan Maillard. D’ailleurs, dans le cadre de leur campagne oecuménique annuelle, Pain pour le prochain et Action de carême lancent une pétition à l’encontre de cette organisation. Or, la position stratégique de l’institution rend ses choix complexes. 

Définir la responsabilité

Déjà, le conseil de Banque «n’est pas comparable à un conseil d’administration qui agit sur la stratégie de l’organisation», observe un connaisseur de l’institution. «Il ne peut pas intervenir sur ce qui concerne la politique monétaire.» Or certaines propositions de désinvestissement pourraient interagir avec la conduite de la politique monétaire. Se pose ensuite la question de la transparence. «La BNS applique les critères 'environnement, social et de gouvernance', excluant les entreprises qui […] violent de manière systématique les droits humains», explique Andréa Maechler, membre de la direction générale de la Banque nationale suisse au micro de la RTS. Pour l’Alliance climatique, «toutes les entreprises qui participent au réchauffement climatique violent les droits humains», rappelle Yvan Maillard. Et ces choix d’investissement devraient être transparents. Ce qui est discutable. «La BNS a une telle influence qu’elle a besoin de discrétion… pour ne pas influencer les marchés! De plus, c’est une institution technocratique. Ses membres ne sont pas élus, leur mission est d’assurer la stabilité des prix, pas d’être au premier rang de la lutte contre le réchauffement», remarque une source proche de l’institution. Faudrait-il intégrer la durabilité dans les missions de la BNS? C’est ce que prônent entre autres les Verts, qui ont déjà porté une initiative fédérale en ce sens, rappelle Adèle Thorens sur son blog

Campagne oecuménique 

Retrouvez la pétition adressée à la BNS sous www.voir-et-agir.ch/bns. Les différents volets de la campagne annuelle sont présentés sur le même site ainsi que dans les pages régionales de votre Réformés.