Au salon ou au fond du lit, comment se vivent les cultes en ligne ?

Plusieurs familles vivent des cultes en ligne depuis leur salon, en période de confinement. / Istock/skynesher
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Plusieurs familles vivent des cultes en ligne depuis leur salon, en période de confinement.
Istock/skynesher

Au salon ou au fond du lit, comment se vivent les cultes en ligne ?

Témoignages
Comment les membres de paroisses vivent-ils les cultes et les moments de spiritualité à distance ? Qu’en retiennent-ils ? Témoignage de ceux qui ont franchi le pas de cette nouvelle pratique, poussé·e·s par le confinement et par la curiosité.

Ils étaient prêts à 9 h 51, installés au salon devant la télé familiale branchée sur YouTube. Mais quand ils ont lancé à 10 h la chaîne YouTube de la paroisse de Corsier-Corseaux, Rachel Reghif, son époux et leurs trois enfants ont constaté que le culte avait déjà commencé et qu’ils avaient raté le début. «On a pris la cérémonie en route… mais du coup, à la fin, on a recommencé la vidéo», s’amuse cette paroissienne de 48 ans, une des animatrices du groupe de louange.

Le culte n’était en réalité pas en direct, «trop compliqué à réaliser, cela aurait nécessité certains accessoires techniques, qui, en raison des circonstances, se sont vendus très vite», remarque le pasteur Pierre Bader. Toujours est-il que cette solution, une vidéo d’une trentaine de minutes, réalisée et animée avec le concours de plusieurs membres de la paroisse a été accueilli avec enthousiasme par la famille.

«Il y a déjà beaucoup de cultes en ligne, notamment dans les communautés évangéliques. Mais je trouve super de pouvoir garder ce lien avec sa propre paroisse, c’est une nouvelle manière de rester en contact. Et de pouvoir continuer à se recentrer sur Dieu, à un moment où on en a particulièrement besoin… même si d’autres moyens existent» assure Rachel Reghif. Au fil de cette célébration d’un nouveau genre, cette animatrice du groupe de louange paroissial a entonné les chants, parfois suivie par son époux. Elle constate que même depuis son salon, les réflexes de cultes restent ancrés. «Mon époux était prêt à se lever au moment de la bénédiction!». Leurs enfants, des ados, de 14, 18 et 20 ans, étaient «en partie sur leur smartphone», reconnaît leur maman, qui observe cependant leur aptitude au multitasking.

Pour d’autres enfants, au contraire, le culte télévisé a été un must. «Mes enfants de six et neuf ans suivent le catéchisme avec Philippe Golaz, qui présidait. Nous avons donc décidé d’assister au culte tous en famille sur le grand écran de la télévision. J’ai l’impression que les enfants ont été réceptifs. Ils sont restés attentifs jusqu’au bout. Ils étaient tout contents de pouvoir appuyer sur les cœurs et les émoticones pour donner leur impression en direct sur le culte!» témoigne Caroline Schneider, qui fréquente la paroisse de Meyrin (GE) et a suivi deux cultes de la paroisse en streaming sur Facebook. Une solution qui permet de vraies interactions en direct : « Nous pouvons accéder aux fonctions “like” (un pouce levé ou un cœur) et commenter en direct. On peut approuver par exemple un message du pasteur, mais aussi échanger entre paroissiens. Ainsi, Philippe Golaz nous a-t-il demandé de commenter préalablement à l’intercession, afin qu’il puisse improviser une prière sur mesure en fonction de nos envies. Les gens peuvent aussi indiquer pour qui ils souhaitent que nous intercédions. Cela donne une dimension nouvellement interactive au culte, c’est très appréciable.» observe Stefan Mennella, musicien de la paroisse Cointrin-Avanchet-Châtelaine (GE), conseiller de paroisse et membre du conseil de région.

«Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié l’intercession de prière. (…) On a aussi eu du plaisir à voir, toujours dans les commentaires, le nom des gens que nous connaissions et qui suivaient ce culte en même temps que nous. C’était une manière de faire communauté! La durée du culte, soit trente minutes, était également idéale.» complète Caroline Schneider. Ces formats courts sont d’ailleurs appréciés : «J’ai suivi le mini-culte du pasteur Yves Bourquin dimanche dernier. J’ai été très touchée par sa prédication, il a su amener une sérénité dont tout le monde avait bien besoin. Son calme et ses réflexions m’a permis de me retrouver dans une ambiance d’Église, bien qu’étant devant mon écran. La durée de 20 minutes était juste extra. Une certaine durée est nécessaire pour 'se mettre dedans'. Je pense toutefois qu’il ne faudrait pas faire plus long. (...) Devant l’ordinateur, je décroche vite. Bien qu’il soit tout à fait justifié que le pasteur ait fait cette fois-ci sa prédication en lien avec le confinement (...) j’espère qu’il aborde d’autres sujets par la suite…» remarque Béatrice Reynaud, dans la paroisse du Joran (NE).

Pour beaucoup, que ce soient les organisateurs de ces cérémonies en ligne ou les participants, le constat le plus largement partagé reste que… participer à un culte en ligne est d’une simplicité étonnante! «Je pensais qu’il me faudrait bien 15 minutes pour créer notre chaîne YouTube, au final il en a fallu… 2!», sourit le pasteur Pierre Bader. Une simplicité qui donne envie à certains de continuer à explorer d’autres offres en ligne: «Dimanche dernier, j’ai regardé le culte du pasteur Luc N. Ramoni qu’il a filmé depuis l’église du Pasquart, un culte complet découpé en 17 parties sur YouTube. Cela m’a fait chaud au cœur et amené beaucoup de réconfort. (…) Dieu sait que je ne suis pas très ‘ordinateur’, mais j’ai pu très facilement accéder au site et voir la vidéo. Je vais continuer à consulter régulièrement la page de la paroisse et pratiquer les offres de méditation à domicile.» confie pour sa part Lucette Grossenbacher, paroissienne à Bienne (BEJU).

Bien entendu, qu’il s’agisse de balbutiements, premières tentatives ou communautés en ligne déjà constituées, des améliorations restent à trouver en termes d’inclusion notamment : «Le premier culte était avec communion, pas le second. Je suis partisan autant d’un partage symbolique (le pasteur communie seul et les paroissiens sont en communion en pensées) que collectif (chacun se munit de pain et de vin). La formule n’est pas encore aboutie en ce qui concerne les chants. Peut-être faudrait-il les communiquer à l’avance, ou faire défiler la partition? Mais je peux aussi concevoir que certains s’accommodent parfaitement d’un simple moment musical, à écouter dans une forme de recueillement. Le chant a cette dimension collective qu’il est difficile de recréer. Malheureusement, la formule en ligne ne convient pas aux aînés qui sont les grands absents de ce mode de partage du culte. Pour autant, c’est une forme qui pourrait être appelée à subsister, peut-être de manière complémentaire au culte traditionnel en paroisse.» analyse Stefan Mennella à Genève.

Reste que l’offre est désormais présente, identifiée et qu’elle offre un certain confort! «Oserais-je avouer que pour le premier culte, je me suis permis le ‘luxe’ d’y assister en pyjama depuis mon lit, le téléphone en main?», reconnaît Stefan Mennella. «Peut-être que dimanche prochain, nous suivrons le culte plutôt à 11 heures», imagine de son côté Rachel Reghif.

Un confort d’utilisation qui pourrait même bénéficier à certaines communautés : «Généralement, nous assistons aux quatre cultes ‘famille’ de notre région plus quelques autres, mais là, nous comptons bien suivre aussi celui de la semaine prochaine. En trois semaines, nous aurons donc presque battu le record de cultes de toute l’année! En cette période de pandémie, nous sortons moins, voyons moins de monde et je sens que j’ai vraiment besoin de ce temps avec Dieu. J’ai partagé le lien vers ces cultes avec mes amis. Même mon papa en a profité pour créer un compte Facebook juste pour l’occasion!» remarque Caroline Schneider.

À Corsier-Corseaux, les prédications étaient disponibles en ligne depuis un moment, sous format de podcast. Pierre Bader n’exclut pas continuer à poursuivre des cultes vidéo après le confinement. D’aucuns voient déjà ces solutions comme une piste de renouveau ecclésial. «C’était peut-être la crise dont notre Église avait réellement besoin pour se réinventer…», espère Stefan Mennella.

À quelles conditions le numérique devient-il un facteur de rapprochement ou d’exclusion, pour les paroisses? Les semaines et les expériences à venir devraient fournir des pistes précieuses à ce sujet.