La future Eglise suisse sera-t-elle un caméléon?

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[pas de légende]

La future Eglise suisse sera-t-elle un caméléon?

26 septembre 2019

On peut légitimement se poser cette question quand on lit les prises de position de Gottfried Locher concernant le « mariage pour tous ». Voir - dans les articles éthiques du site réformés.ch - celui du 19 août 2019.

Soyons précis ! La future Eglise s’appellera Eglise évangélique réformée de Suisse : EERS. Elle remplacera dès le 1er janvier 2020 la FEPS (Fédération des Eglises protestantes de Suisse). Le 4 novembre 2019,  l’Assemblée des délégués de la FEPS est appelée à prendre position concernant la célébration d’un mariage religieux pour un couple de même sexe. Et cette décision conditionnera la future EERS.

 

Le raisonnement du président de la FEPS est simple :

Il n’y a pas de théologie réformée du mariage ; c’est la société civile qui décide du type de mariage qui est acceptable ; l’Eglise réformée bénit ensuite ces couples, qu’ils soient hétéro- ou homo-sexuels. Comme la Bible ne doit pas être prise à la lettre et que la sensibilité de la population a évolué dans ce domaine, rien n’empêche le mariage entre partenaires de même sexe.

Concernant l’interprétation de la Bible, je me suis exprimé dans « Amandine et la bénédiction de partenaires de même sexe » (sur ce blog). J’aimerais ici explorer différentes façons d’envisager la relation entre l’Eglise et la société civile :

  1. Je ne souhaite pas voir l’Eglise imposer à la société civile les convictions et les normes éthiques qui sont les siennes.
  2. Je déplore également toutes les postures de jugement et de condamnation qui ont jalonné le parcours du christianisme. Nous avons trop souvent jugé les personnes qui pensaient ou vivaient autrement que nous.
  3. Mais je déplore tout autant l’adaptation pure et simple aux évolutions de la société. Si j’en crois les liturgies que j’ai suivies pendant mon ministère, il y a eu jusqu’ici, parmi les éléments constitutifs d’un mariage - même en tradition réformée - un minimum non-négociable : un homme et une femme ; un engagement à l’amour et à la fidélité ; une bénédiction demandée à Dieu. Le « consensus social » semble aujourd’hui considérer qu’il n’est plus nécessaire d’être un homme et une femme pour se marier (cela reste à prouver !). Demain, ce même consensus social estimera sans doute que la fidélité est une notion moyenâgeuse que personne ne parvient à respecter. Après-demain, il estimera peut-être qu’il est dangereux pour le climat d’avoir des enfants, à cause de la surpopulation. Et ainsi de suite… Que dira l’Eglise caméléon ? Ce que le consensus social a envie d’entendre ?
  4. Comme l’exprime si bien Jésus en parlant de ses disciples comme du sel de la terre et de la lumière du monde, l’Eglise est à la fois pleinement dans le monde et porteuse d’une saveur différente. Elle est appelée à poser des repères (lumière) pour que tous ceux qui l’entourent puissent orienter leur marche ou se démarquer en connaissance de cause. Poser des repères sans pour autant jeter des pierres me semble être une des missions capitales de l’Eglise. Je vois l’Eglise de demain comme une minorité qui donne de la saveur et ose se démarquer plutôt que comme un caméléon qui reflète les opinions de son entourage et contribue ainsi à la « grande confusion » dénoncée par l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains (1, 24-32).

 

Pour se démarquer de la confusion ambiante, je trouve les distinctions proposées par Bertrand Vergely, philosophe et théologien français, très utiles :

« Il importe d’abord de distinguer la question de l’homosexualité de celle du mariage gay. L’homosexualité appartient à la sphère privée et renvoie à une histoire singulière. C’est ainsi, il y a des personnes dans la société dont la manière d’aimer consiste à aimer une personne du même sexe. Pourquoi en est-il ainsi ? Nous n’en savons rien et nous ne le saurons sans doute jamais, tant il y a de raisons possibles à cela. Toujours est-il qu’il s’agit là d’une réalité que la société se doit de respecter en offrant aux couples homosexuels une protection de leur vie privée au même titre que celle dont peut jouir chaque citoyen.

Le mariage gay relève en revanche d’une question qui regarde tout le monde, celui-ci étant appelé à bouleverser de manière irréversible la norme en vigueur en établissant une nouvelle norme en matière de famille, de filiation et de transmission, s’il vient à être adopté.

(…) Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons. Qu’ils soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux dans un couple homosexuel que dans certains couples hétérosexuels, nous n’en doutons pas une fois encore. Que cela soit une raison pour légaliser le mariage gay et permettre l’adoption ou la procréation médicalement assistée pour couples gays, c’est là une erreur.

Une chose est une loi, une autre est un cas particulier. On ne fait pas une loi avec des cas particuliers, mais à partir d’une règle tenant compte de tout ce qu’il y a derrière. » (Blog du site « Le Monde », 14 janvier 2013).

En l’occurence, ce qu’il y a « derrière » la revendication d’un mariage homosexuel, c’est le « droit à l’enfant » comme l’a clairement montré Mme Suzette Sandoz dans son article « Le mariage pour tous cache-t-il le « droit à l’enfant »? » (Blog du site réformés.ch, 1er septembre 2019).

Quand le conseil de la FEPS estime qu’on peut se prononcer sur le mariage homosexuel puis, dans un second temps, sur la question de l’adoption ou de la procréation assistée, il manque de clairvoyance. C’est maintenant qu’il s’agit de poser des repères !

 

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